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Le Choro

Historique

Le CHORO, c’est quoi?

Par Oscar Barahona

« Choro: sans doute du verbe portugais chorar (pleurer), mais aussi sans doute du latin chorus et de xolo, danse afro-brésilienne ancienne ». André Diniz, Almanaque do Choro – A historia do chorinho, Jorge Zahar Editor.

Définition

Le choro est une musique populaire instrumentale brésilienne née à Rio de Janeiro dont les origines remontent à la seconde moitié du XIXe siècle, et qui continue à être jouée aujourd’hui, non seulement dans sa ville natale mais aussi dans toutes les grandes villes du Brésil. En tant que style musical national, le choro est antérieur à la samba et à la bossa nova, dont il est l’une des sources. C’est une musique d’une richesse exceptionnelle et d’une importance esthétique aussi considérable que celle du jazz, du flamenco, du tango et des autres grandes expressions de la musique populaire qui s’épanouissent et s’enrichissent depuis la fin du XIXe siècle.  

Origine

A l’origine, le choro fut la musique jouée par des musiciens brésiliens cherchant à reproduire à leur façon les musiques de danse européennes, en les mélangeant avec des rythmes venus d’Afrique. Le choro était alors une exécution musicale non écrite, mais il devint très vite un genre de musique instrumentale, en général en 2/4 et en forme de rondo, marqué par un recours à la syncope et à des modulations harmoniques caractéristiques. Aujourd’hui, le choro est une musique en partie écrite qui laisse ouverte la possibilité d’improvisations mélodiques, de variations harmoniques et d’ornementations rythmiques.

Evolution de l’instrumentation

Depuis sa naissance, le choro a été interprété sur une grande variété d’instruments. L’ensemble original, appelé terno, était un trio composé d’une flûte et de deux guitares. Au début du XXe siècle, le choro était déjà écrit pour d’autres instruments comme le piano et, dans les années 1920, il se frotta à ses contemporains nord-américains, le ragtime et le jazz dixieland : des trompettes, saxophones, trombones et contrebasse furent ajoutés à la flûte, la guitare et les percussions locales.

L’ensemble traditionnel de choro, connu sous le nom de conjunto regional, comprend en général 5 ou 6 musiciens. La mélodie est jouée le plus souvent par le bandolim -la mandoline brésilienne-, la flûte ou la clarinette. L’accompagnement est assuré par deux guitares, une de 6 cordes et une autre de 7 cordes dont les lignes de basse contrapuntiques improvisées constituent une des caractéristiques les plus originales de ce genre musical. Le cavaquinho, petite guitare semblable à l’ukulélé, est utilisé comme instrument d’accompagnement rythmique et parfois comme instrument mélodique. L’instrument de percussion principal est le pandeiro, sorte de tambourin, dont le jeu riche en contrastes de timbres combine habilement le son aigu et grêle des lamelles métalliques et le son grave et profond de la peau tendue. Aujourd’hui les ensembles de chorões –comme on appelle les musiciens qui interprètent le choro- sont à géométrie très variable, allant du soliste ou des duos aux grandes formations, et incluant quelquefois des instruments électriques et d’autres instruments de percussion comme la batterie.

Les rodas de choro

Originellement, les conjuntos regionais étaient des ensembles de musiciens non professionnels qui se réunissaient spontanément lors de fêtes privées ou dans des cafés. Les chorões étaient des musiciens très prisés et respectés pour leur maîtrise instrumentale et leur capacité d’invention, souvent des véritables virtuoses qui ne jouaient pourtant que pour le plaisir et en général contre la nourriture et la boisson, tout en gagnant leur vie par d’autres moyens. Même si le genre a évolué depuis, beaucoup de musiciens étant aujourd’hui des professionnels, les rodas de choro, ces rencontres privées de musiciens de choro, continuent à être fréquentées assidûment, constituant même de véritables “universités ouvertes” où ces artistes se forment au contact des meilleurs, conquièrent leurs titres de gloire et forgent leur réputation d’instrumentistes.

Musiciens : Les grands maîtres

Joaquim Antonio da Silva Calado (1848-1880)

Le premier compositeur à écrire des pièces appelées choros fut Joaquim Antonio da Silva Calado (1848-1880), un mulâtre né à Rio de Janeiro dans une famille d’anciens esclaves. Il était un flûtiste virtuose, un interprète d’une grande renommée et le premier compositeur Brésilien à populariser les formes musicales autochtones connues sous les noms de lundu, polca-lundu et maxixe.
En 1870, il forma le groupe “Choro Carioca,” premier ensemble à porter le nom de ce genre musical, l’adjectif “Carioca” étant la désignation courante des habitants de Rio. Le groupe comprenait une flûte, deux guitares et un cavaquinho, instrumentation semblable a celle de la modinha ou des ensembles de “musique de barbiers”. La composition la plus connue de Calado, “A Flor Amorosa,” est considérée par beaucoup comme le premier choro écrit.


Francisca Hedwiges « Chiquinha » Gonzaga (1847-1935)

La première musicienne de formation classique à avoir adopté le style du choro fut Francisca Hedwiges Gonzaga (1847-1935), mieux connue sous le surnom de “Chiquinha”, la petite.
Pianiste, compositrice et chef d’orchestre, Gonzaga fut attirée par les compositions populaires qu’elle entendait jouer par des ensembles de musiciens de rue, dont elle incorpora les rythmes et les éléments harmoniques dans sa musique pour piano et ses chansons. En 1877 elle composa “Atrahente,” désigné comme polka, mais où de toute évidence elle essaya de reproduire le style d’exécution improvisé du choro.
Dans l’évolution de la musique urbaine de danse de Rio de Janeiro, Chiquinha Gonzaga joua un rôle décisif car elle recréa l’essence des choros authentiques en les mélangeant avec les danses européennes de salon en vogue à l’époque.
Elle joua également un rôle important dans la lutte contre l’esclavage au Brésil en collaborant musicalement avec des compositeurs et des interprètes noirs. Son morceau le plus connu est sans doute celui qu’elle composa en 1899 pour la première marche officielle du Carnaval Brésilien, “O abre alas”. Innovatrice dans la musique nationale brésilienne et pionnière de l’autonomie de la femme dans son pays, Gonzaga a été récemment l’objet d’un regain d’intérêt au Brésil pour sa musique et sa vie à l’occasion du 150ème anniversaire de sa naissance.


Anacleto de Medeiros (1866-1907)

Tandis que Chiquinha Gonzaga transposait les sonorités du choro au piano, Anacleto de Medeiros (1866-1907) poursuivait son développement et renforçait sa popularité dans le contexte des orchestres de cuivres ou fanfares. Ainsi, son apport musical majeur fut en tant que fondateur, en 1896, de la fanfare militaire la plus célèbre de Rio de Janeiro, la “Banda do Corpo de Bombeiros”, très appréciée pour la netteté de ses exécutions et pour sa manière unique d’interpréter des morceaux spécialement composés pour le Carnaval. La Banda fut le premier groupe brésilien à enregistrer des rouleaux de musique et des disques pour la toute nouvelle industrie phonographique.
Ce compositeur de valses, polkas et scottishs impressionnait par la qualité de son art, qui alliait la vivacité du choro et le brillant des orchestres de cuivres. Injustement oublié, il fut pourtant celui qui sut systématiser le scottish, ou simplement xotis, qui grâce à lui allait se propager dans tout le Brésil en revêtant des caractéristiques différentes selon les régions.


Ernesto Nazareth (1863-1934)

Parmi les premiers compositeurs de choros, le plus grand et le plus influent fut sans doute le pianiste Ernesto Nazareth (1863-1934), que Heitor Villa-Lobos (1887-1959) lui-même salua comme “la véritable personnification de l’âme musicale brésilienne”.
Si Villa-Lobos, qui avait lui-même composé des choros, est devenu par la suite le plus célèbre des compositeurs érudits du Brésil, son œuvre à ses débuts a été influencée à l’évidence tant par le choro en général que par Nazareth en particulier. La contribution de Nazareth au développement du style musical national du Brésil est inestimable. Ses “tangos brésiliens”, qui n’ont pas grande chose à voir avec leurs contemporains argentins, rappellent en réalité dans leur forme et leur style le maxixe et le choro.
Les œuvres de Nazareth sont encore très souvent jouées de nos jours; elles sont considérées comme les premiers thèmes classiques ou “standards” du répertoire de choro contemporain. Sa composition “Brejeiro”, tout comme le très connu “Tico Tico no Fubá” de Zequinha Abreu, est une des compositions de choro les plus fréquemment enregistrées.
Il est intéressant de signaler également que Nazareth fut le contemporain du compositeur nord-américain de ragtime Scott Joplin (1868-1917), un autre pianiste-compositeur qui sut incorporer avec succès des éléments de musique populaire dans un contexte sophistiqué pour créer un style national.


Pixinguinha (1897-1973)

Alfredo da Rocha Vianna Jr. (1897-1973), connu surtout sous le surnom de “Pixinguinha”, est le compositeur qui fit connaître le choro au grand public, notamment en Europe, le combina au jazz, enrichit l’instrumentation du samba, orchestra les grands succès enregistrés par Carmen Miranda et créa quelques uns des contrepoints les plus sophistiqués de la musique brésilienne dans ses compositions et improvisations. Pixinguinha naquit dans la tradition du choro; son père était un flûtiste respecté qui accueillait fréquemment chez lui des rodas de choro.
En 1919 Pixinguinha forma un des ensembles de choro les plus célèbres, “Os Oito Batutas”. Ce groupe comprenait, dans sa forme originelle, une flûte, deux guitares, une guitare 7 cordes (pour les contrepoints des cordes graves), un bandolim, une bandola (ou bandolim alto), un cavaquinho, un pandeiro et d’autres percussions. L’ensemble était si bon et si demandé qu’il réussit à briser les barrières raciales et se produisit dans le prestigieux Cinéma Palais de Rio.
Son œuvre est d’une remarquable diversité et grand nombre de ses créations font partie des “standards” du répertoire du choro actuel, comme par exemple “Vou Vivendo”, “1 x 0”, “Carinhoso” et “Naquele Tempo”. Pixinguinha était révéré de tous au Brésil en tant que saxophoniste, compositeur et arrangeur; il fut la principale voix du choro pendant la période de ses plus grands succès commerciaux. Le 23 avril, jour où l’on commémore la naissance de Pixinguinha, est devenu au Brésil depuis l’an 2000 la Journée nationale du choro.


Garoto, João Pernambuco et Laurindo Almeida

Lorsque, grâce à la radio le samba et le jazz devinrent plus populaires, le choro connut un certain déclin. Le public perdit l’intérêt pour le style instrumental virtuose, à l’exception des choros joués à la guitare. Dans les années 1930, la guitare avait acquis un public appréciable. Des guitaristes-compositeurs brésiliens tels que João Pernambuco (1883-1947), Garoto (1915-1955), Laurindo Almeida (1917-1995), et Dilermando Reis (1916-1977) enregistrent et publient leurs œuvres pour guitare solo. Ils avaient tous joué dans des ensembles de choro, et leurs compositions gardaient intacte l’authenticité du style musical.
Malgré la désaffection du public, les conjuntos regionais continuèrent à se réunir et à jouer chez des particuliers et dans des clubs locaux. Style le plus populaire de la musique brésilienne pendant près d’un demi-siècle, le choro retrouvait brusquement ses racines “amateur”. Pourtant, le niveau d’exécution musicale n’en fût pas amoindri.Les conjuntos regionais étaient très exigeants avec leurs débutants et, faisant appel à des techniques semblables à celles de “jam sessions” du jazz be-bop aux Etats-Unis dans les années 1940, ils testaient les aptitudes et les connaissances des jeunes aspirants pour s’assurer de leur niveau par rapport à celui du groupe avant de leur permettre de s’y intégrer de façon permanente.


Jacob do Bandolim (1918-1969)

Cette tradition se perpétua et les vieux chorões initièrent une nouvelle génération d’instrumentistes aux complexités du choro. En 1933, un de ces jeunes musiciens, très discrètement et sans espoir de célébrité, joua du choro sur son bandolim pour sa première émission de radio. A 15 ans, Jacob Pick Bittencourt (1918-1969), ou “Jacob do Bandolim” comme il allait être connu, fut à l’origine de la renaissance du choro des années 1940 et débuta une carrière qui allait considérablement épanouir et transformer le genre.
Au même titre que Waldir Azevedo au cavaquinho, et Abel Ferreira à la clarinette, Jacob revitalisa l’exécution et le répertoire du choro, lui donnant un regain de popularité. Dans les années 1960, avec le groupe Época de Ouro il enregistra une série de disques qui allaient devenir de grands classiques, dont l’exceptionnel “Vibrações”, avec la participation notamment d’un grand représentant de l’accompagnement contrapuntique à la guitare 7 cordes, Dino 7 Cordas, qui allait faire école et influencer toutes les générations à venir d’interprètes de cet instrument typiquement brésilien.
Les compositions de Jacob do Bandolim renouvelèrent le style du choro, et dans ses ensembles le bandolim devint le principal instrument solo, remplaçant la flûte. La vitalité rythmique de son jeu et son talent pour l’improvisation mélodique le détachent clairement des instrumentistes du passé. Un grand nombre de ses compositions, comme “Noites Cariocas,” “Assanhado,” “Doce de Coco,” et “Vibrações,” font toujours partie du répertoire de choro actuel.
Après la mort de Jacob, en 1969, le groupe se défit pendant quelques années, jusqu’au fameux concert “Sarau” donné en 1973 sous la houlette du guitariste du groupe, Cesar Faria, et de son fils Paulinho da Viola, qui marqua la redécouverte do choro dans les années 1970. Plusieurs des anciens de la formation originelle, comme César Faria, Dino 7 Cordas et Jorginho do Pandeiro continuent à jouer aujourd’hui.

Musiciens : renaissance

Paulinho da Viola

Avec l’avènement de la bossa nova dans les années 1960, la popularité du choro déclina une nouvelle fois. Le son nouveau de la bossa nova, raffiné et “aristocratique”, soulignait du coup les racines “plébéiennes” du choro et le faisait apparaître peu élaboré et désuet.
Ce purgatoire allait durer jusqu’au milieu des années 1970, lorsque des musiciens brésiliens connus, de différents styles, retournèrent à la musique de leur enfance et recommencèrent à jouer et à enregistrer les choros de la grande époque. Paulinho da Viola, un des premiers à revenir aux sources du choro, enregistra en 1976 le trente-trois tours “Memorias: Chorando”. A la fin des années 1970, le guitariste classique Turibio Santos publia son album “Choros do Brasil,” en hommage à la musique de sa jeunesse, qui suscita l’intérêt des guitaristes du monde entier.


Radamés Gnattali, Raphael Rabello et Paulo Moura

En 1976, “Os Carioquinhas,” avec Raphael Rabello (1962-1995) – alors âgé de 14 ans- à la guitare 7 cordes, remporta un concours de groupes de choro composés de jeunes de moins de 20 ans. Rabello deviendra par la suite un des plus grands virtuoses de la guitare choro.
Il joua et enregistra avec des grands musiciens comme le bandolimiste Déo Rian, le clarinettiste de jazz et choro Paulo Moura, le pianiste et compositeur Radamés Gnattali, et même avec le guitariste de flamenco Paco de Lucía, ouvrant au choro de nouveaux domaines prometteurs, que sa mort prématurée à 33 ans laissa encore à défricher.
Au début des années 1980 le choro avait retrouvé sa vitalité ; son répertoire et ses enregistrements s’étaient enrichis. Une nouvelle génération de musiciens avait été formée et l’importance historique du choro se voyait confirmée. Au cours de cette période faste, le choro sortit du contexte informel des rencontres et saraus chez des amateurs éclairés, pour passer sous les feux de la rampe et monter sur scène.


Camerata Carioca

Groupe instrumental composé à l’origine de Joel Nascimento (bandolim), Raphael Rabello (guitare 7 cordes), Luciana Rabello (cavaquinho), Maurício Carrilho (guitare), Luiz Otávio Braga (guitare), et Celsinho Silva (pandeiro), Camerata Carioca fut créée en 1979 suite à la rencontre avec Radamés Gnattali, un des plus grands créateurs modernes de musique populaire “savante”.
Il en surgit le projet de réorchestrer pour ensemble de choro la suite “Retratos” qu’il avait composée en 1956 pour Jacob do Bandolim. Leur premier disque trente-trois tours s’intitula justement “Tributo a Jacob do Bandolim”.
Par la suite, d’autres musiciens vinrent étoffer le groupe: João Pedro Borges (guitare 7 cordes), Henrique Cazes (cavaquinho), Beto Cazes (pandeiro) et Edgar Gonçalves (instruments à vent). Interprétant un répertoire d’œuvres baroques et populaires, le groupe lança en 1982 l’album “Vivaldi & Pixinguinha”.
En 1983, Camerata Carioca enregistra l’album “Tocar”, dont le répertoire explorait des domaines inconnus jusque là des chorões. Les œuvres d’Anacleto de Medeiros, Pixinguinha et Radamés Gnattali, mais aussi d’Astor Piazzolla et Wagner Tiso, étaient interprétées dans un style “choristique” brillant et original, prouvant que le choro, à l’instar du jazz, était plus une façon de jouer qu’une musique figée une fois pour toutes, un art en constante récréation s’ouvrant à de nouveaux mondes musicaux. Cette même année Camerata Carioca participa aux côtés de l’Orchestre Symphonique de Rio de Janeiro et du Duo Assad, au concert donné au Théâtre Municipal de Rio de Janeiro en hommage à Radamés Gnattali, à qui fut décerné à cette occasion le Prix Shell dans la catégorie “Musique Erudite”.
Toujours en 1983, l’ensemble donna un récital avec Radamés Gnattali et la grande chanteuse Elizeth Cardoso, “Uma rosa para Pixinguinha”, récemment réédité en CD. En 1984, il enregistra son dernier trente-trois tours, “Rapsódia Brasileira”, avec des œuvres de Catulo da Paixão Cearense, Hekel Tavares, Jayme Ovalle et Chico Buarque, entre autres. Par la suite, séparément ou dans de nouvelles formations, tous les membres de Camerata Carioca ont poursuivi une carrière féconde d’instrumentistes, compositeurs, pédagogues, producteurs et éditeurs de musique et de partitions, et joué un rôle très actif dans la diffusion du choro dans les années 1980 et 1990 et jusqu’à nos jours.

Musiciens : choro actuel

Nó Em Pingo d’Água

Le succès des musiques du monde des années 1990 créa une nouvelle audience pour le choro. De nouveaux musiciens se mettent à enregistrer du choro, des vieux groupes renaissent et les anciens enregistrements sont réédités.
Parmi ces nouveaux groupes, un des plus remarquables est Nó Em Pingo d’Água, qui s’est fait connaître en transformant les compositions de Jacob do Bandolim par des arrangements novateurs, dans un mélange éclectique d’instruments et de styles. Ce groupe est un des pionniers du style musical connu aujourd’hui sous le nom de “nouveau choro”, qui regroupe touts les interprètes innovateurs de la musique instrumentale populaire brésilienne.
Les membres du groupe, fondé en 1978, sont Rodrigo Lessa (bandolim), Rogério Souza (guitare), Mario Seve (instruments à vent), Celsinho Silva (pandeiro) et Papito (basse électrique). Cinq autres disques allaient suivre celui consacré à Jacob. Le dernier en date est un hommage au grand compositeur et interprète de sambas et de choros, Paulinho da Viola.
Nó Em Pingo d’Água a ouvert de nouvelles perspectives pour l’évolution du choro, dont il a élargi les formes tout en restant fidèle aux racines de la musique. C’est à ce groupe que l’on doit en partie l’intérêt croissant des jeunes pour ce style de musique, qui jouit aujourd’hui d’un regain de popularité dans les clubs et les salles de concert de Rio de Janeiro et d’autres villes du Brésil.
Leur musique peut se décrire comme le résultat des nombreuses influences qui convergent au cœur de cette ville: rythmes afro-brésiliens, instrumentation typiquement brésilienne, influences de la musique classique européenne, un peu de samba et une pincée de jazz.
Le nom du groupe “Nó Em Pingo d’Água” signifie littéralement “un nœud dans une goutte d’eau”, image de quelque chose d’extrêmement difficile à réussir. “Nó” y réussit.


Trio Madeira Brasilhttps://covers4.hosting-media.net/art/r288/77953.jpg

Le Trio Madeira Brasil, composé de Ronaldo Souza Silva (bandolim), José Paulo Becker (guitare 6 cordes) et Marcello Gonçalves (guitare 7 cordes), est un des meilleurs groupes de la nouvelle génération de chorões.
Ronaldo do Bandolim, considéré comme le meilleur interprète de Ernesto Nazareth, a fait partie du groupe Época de Ouro.
Ses deux complices sont les guitaristes Zé Paulo Becker (guitare 6 cordes et viola caipira) et Marcello Gonçalves (guitare 7 cordes). C’est en quelque sorte un ensemble de choro qui aurait fait l’économie de l’accompagnement traditionnel du cavaquinho et de la percussion.
Cette réduction à un petit ensemble de cordes leur a permis de développer un travail sophistiqué autour du choro, une sorte de “musique populaire de chambre” où l’expérience “choristique” de Ronaldo se fond avec bonheur avec la formation érudite des deux autres musiciens.
Leur CD “Trio Madeira Brasil”, publié par le label Kuarup en 1998, remporta l’année suivante le Prix Sharp du Meilleur Disque et du Meilleur Groupe. Le disque rassemble des œuvres rares de Jacob do Bandolim et Ernesto Nazareth, ainsi que d’auteurs contemporains tels que Chico Buarque, Edu Lobo, Egberto Gismonti et même du Vénézuélien Antonio Lauro.


Hamilton de Holanda

Digne héritier des grands mandolinistes tels que Jacob do Bandolim, Joel Nascimento et Armandinho Macedo, le jeune Hamilton de Holanda (né en 1976) est en train de révolutionner l’instrument emblématique du choro, le bandolim, auquel il a ajouté une cinquième double corde, portant leur nombre de huit à dix, et sur lequel il a développé un jeu polyphonique complet, surtout en solo, ainsi qu’une palette sonore et percussive enrichie.
Né à Rio mais parti très jeune à Brasilia, il bénéficia à la fois d’une ambiance musicale familiale stimulante et d’une formation académique poussée. Connu dès un âge très précoce grâce à son superbe duo avec son frère Fernando César à la guitare 7 cordes -les “Dois de Ouro”-, Hamilton de Holanda s’est imposé très tôt comme “A nova cara do velho choro”, le nouveau visage du vieux choro, titre d’un de leurs meilleurs albums, consacré au répertoire des grands classiques du genre.
Considéré comme un des plus grands virtuoses du bandolim de tous les temps, Hamilton de Holanda est également un des compositeurs actuels de choro les plus intéressants. Dans son dernier album, “Música das nuvens e do chão” (2004), où il interprète avec maestria des œuvres de grands créateurs dépassant les frontières strictes de l’univers du choro – comme Egberto Gismonti, Hermeto Pascoal et Astor Piazzolla -, il s’écarte du style traditionnel en s’entourant d’un accompagnement plus “jazzistique” (guitare, basse électrique et batterie), tout en gardant la force expressive propre des grands chorões.
Le charisme et l’enthousiasme contagieux de Hamilton sur scène, son jeu impeccable et débordant de savante inventivité font de lui un des musiciens les plus remarquables de la nouvelle génération d’interprètes et compositeurs de choros.


Tira Poeira

Tira Poeira, dont le nom veut dire “enlève la poussière”, se livre sur son premier disque éponyme à un véritable “dépoussiérage” d’un répertoire choisi parmi les grands classiques du choro relus de façon originale, sans jamais perdre de vue la verve “choristique”, surprenant par les possibilités rythmiques et mélodiques nouvelles, et réaffirmant ainsi la vitalité du genre.
Caio Márcio (guitare 6 cordes), Henry Lentino (bandolim), Samuel Deoliveira (saxophones), Fábio Nin (guitare 7 cordes) et Sérgio Krakowski (pandeiro) ont en commun la passion pour le choro, la jeunesse et l’habitude de fréquenter le quartier de Lapa à Rio de Janeiro, où toutes les tribus et tendances se réunissent et se mélangent. C’est là que le choro est revenu en grande force, attirant un grand nombre de musiciens de différentes régions du Brésil et d’ailleurs, ainsi qu’un public jeune et enthousiaste.
La sonorité particulière de Tira Poeira provient d’abord de la formation musicale diverse de ses membres, passés par le samba, la musique classique, la musique cubaine, le jazz et le flamenco, et qui aujourd’hui utilisent tout ce riche matériel sonore à leur façon mais dans le plus grand respect de la tradition “choristique”. Leur art est la conséquence naturelle de leur travail dans les rodas de choro, où les arrangements, toujours collectifs, prennent forme.
Leur originalité tient aussi à la grande place que les arrangements élaborés laissent à l’improvisation et l’humour, avec un résultat vibrant et rafraîchissant. Avec le concours de jeunes interprètes comme Teresa Cristina, le groupe met également en valeur le choro chanté., dont le nom veut dire “enlève la poussière”, se livre sur son premier disque éponyme à un véritable “dépoussiérage” d’un répertoire choisi parmi les grands classiques du choro relus de façon originale, sans jamais perdre de vue la verve “choristique”, surprenant par les possibilités rythmiques et mélodiques nouvelles, et réaffirmant ainsi la vitalité du genre.
Caio Márcio (guitare 6 cordes), Henry Lentino (bandolim), Samuel Deoliveira (saxophones), Fábio Nin (guitare 7 cordes) et Sérgio Krakowski (pandeiro) ont en commun la passion pour le choro, la jeunesse et l’habitude de fréquenter le quartier de Lapa à Rio de Janeiro, où toutes les tribus et tendances se réunissent et se mélangent. C’est là que le choro est revenu en grande force, attirant un grand nombre de musiciens de différentes régions du Brésil et d’ailleurs, ainsi qu’un public jeune et enthousiaste.
La sonorité particulière de Tira Poeira provient d’abord de la formation musicale diverse de ses membres, passés par le samba, la musique classique, la musique cubaine, le jazz et le flamenco, et qui aujourd’hui utilisent tout ce riche matériel sonore à leur façon mais dans le plus grand respect de la tradition “choristique”. Leur art est la conséquence naturelle de leur travail dans les rodas de choro, où les arrangements, toujours collectifs, prennent forme.
Leur originalité tient aussi à la grande place que les arrangements élaborés laissent à l’improvisation et l’humour, avec un résultat vibrant et rafraîchissant. Avec le concours de jeunes interprètes comme Teresa Cristina, le groupe met également en valeur le choro chanté.

Conclusion

A la question “Le choro, qu’est-ce que c’est ?”, on peut donc répondre qu’en plus d’être le plus ancien et le plus profondément brésilien de tous les styles musicaux de ce pays, le choro est un genre d’une créativité et une vitalité musicale foisonnante, en constante régénération. C’est le cœur profond de la musique brésilienne, celui qui bat au fond d’autres styles plus connus du grand public: le samba, la bossa nova et une grande partie de la MPB (la chanson populaire brésilienne).
Aujourd’hui, à l’heure où le choro, cette sorte de “jazz brésilien”, a été quelque peu déplacé et occulté par d’autres formes de MPB, les groupes contemporains de chorões lui rendent la place qu’il mérite et modernisent le genre, remettant au goût du jour les formes traditionnelles, les transformant au contact d’autres musiques venues d’ailleurs, et inscrivant de nombreuses nouvelles compositions à leur immense répertoire. Pour la première fois on voit apparaître des groupes en Amérique du Nord, en Europe et au Japon, qui connaissent le choro, en étudient la pratique et le jouent bien, même s’ils n’ont jamais mis les pieds à Rio.
Les musiciens de choro modernes jouent et enregistrent énormément, et depuis l’essor des musiques du monde dans les années 1990, qui a introduit ce style musical dans le marché mondial, leurs œuvres commencent à toucher un public de plus en plus large, passionné par cette musique splendide.
En ce début du XXIe siècle, le choro vit une renaissance, se réinventant sans cesse grâce à de nouveaux musiciens. Sa grande valeur musicale et sa contagieuse vitalité jouissent dorénavant d’une reconnaissance internationale qui ne pourra que s’élargir encore dans les années à venir.

Choro, Fado, Moda

Brésil et Portugal : Musiques d’influence multiculturelle

Par Maria Inês Guimarães
Article paru dans la revue Latitudes-France

Depuis la colonisation du Brésil par les Portugais au XVIe siècle, les musiques luso brésiliennes s’influencent continuellement. Déjà pour l’un des premiers gestes de la colonisation, la musique était actrice : la messe chantée par les arrivants sur la terre brésilienne sème la graine de la musique européenne de l’autre côté de l’Atlantique. Avec l’esclavage et l’arrivée forcée des Africains, les principales sources de la musique actuelle brésilienne étaient alors réunies. Aussi à Lisbonne depuis la moitié du XVe siècle, la présence des noirs était significative et collaborait à la diversité des habitants de la capitale du royaume et à l’établissement d’un milieu extraordinairement riche d’expériences socioculturelles. Les rassemblements des noirs qui donnent lieu à des manifestations musicales sont souvent liés à la pratique religieuse, mais parfois ils sont organisés seulement pour les loisirs. Les batuques réunissent d’innombrables instruments à percussion et les ensembles ainsi formés constituent d’impressionnantes masses sonores qui gênent les classes dominantes et embarrassent beaucoup les autorités. Cependant ce n’est qu’au milieu du XVIIIe siècle que les échanges se font plus nombreux entre les classes sociales. Alors les musiques urbaines brésiliennes et portugaises sont fortement influencées par les musiques africaines. Les Africains étaient restés distancés par les blancs pendant une longue période pour des raisons diverses telles que le racisme et l’incommunicabilité de langage. Avec l’apparition d’une classe métisse qui jouait le rôle d’intermédiaire dans la société coloniale, le contact fréquent entre les musiques d’origines différentes devient plus courant dans les villes. Surtout au Brésil la densité urbaine des classes métisses permet l’éclosion, au XVIIIe siècle, d’un style de composition manifestement brésilien et d’une importance considérable pour l’histoire de l’art musical du pays. La présence de la cour à Rio pendant treize années à partir de 1808 provoque une certaine effervescence dans la ville qui est passée, en quelques années, de 60 000 à 150 000 habitants. En 1822,  le pays est indépendant, mais garde une vie de cour avec la présence d’un empereur qui est en réalité portugais. Pendant la deuxième moitié du XIXe siècle, cette ambiance particulière qui singularise la vie culturelle de la ville de Rio ne fait qu’augmenter. Les activités musicales de la cour et des salons de l’aristocratie permettent aux rythmes européens de devenir très prisés dans les salons de la ville tout en se mélangeant avec les rythmes afro-brésiliens. Les pièces de salon Polkas, Valses, Scottish, commencent à être jouées de manières différentes sous l’influence des syncopes systématiques des rythmes africains et de la danse espagnole Fandango. Le mouvement des corps dans la danse déforme les rythmes et donne naissance aux musiques luso brésiliennes. Citons quelques genres qui ont eu une force historique. Au Brésil : Fofa, Lundu, Modinha, Fado dansé et plus tard le Maxixe, le Choro qui ont précédé la Samba et la Bossa-Nova. Au Portugal : Flechas, Gandu, Bacolá, Cumbê, Sarambeque, Moda, Fado batido et Fado chanté. Et certains de ces genres se sont développés avec force des deux côtés de l’Atlantique.
Le Choro, la Modinha et le Fado : parmi les genres issus de ce brassage racial résultat de la colonisation portugaise trois nous intéressent particulièrement pour leur longévité et une certaine parenté dans le choix des instruments utilisés : surtout des cordes pincées. La Modinha, le Choro, et le Fado sont des genres qui ont su garder leurs caractéristiques et leur fraîcheur. Encore de nos jours des compositions nouvelles et des interprètes passionnés viennent enrichir le répertoire de ces trois genres classiques du monde musical luso brésilien.

Les Modinhas, originaires du XVIIIe siècle sont, pour la plupart, des chansons d’amour, mélancoliques, dont l’accompagnement est assuré par un instrument à cordes pincées. Le genre résulte d’une transformation de chansons d’origine européenne et d’une manière brésilienne d’écrire les paroles et de chanter. Le texte est la genèse de la création. Ainsi, en citant Mozart de Araújo, trouvons-nous dans les Modinhas la première expression artistique exportée par le Brésil vers l’Europe. Très répandu aussi au Portugal le genre s’y est installé et a été l’un des ingrédients essentiels de la vie musicale portugaise : après avoir, dans un premier temps, influencé leur apparition, les Portugais étaient enivrés par ces airs si lyriques venus de la colonie.
Le Fado, genre typiquement portugais, a été d’abord danse au Brésil à la fin du XVIIIe, puis chanson populaire à Lisbonne et s’est répandu au Portugal jusqu’à devenir la chanson sentimentale finalement internationalisée par le charisme de Amália Rodrigues. Sa force est intacte et le Fado est toujours l’une des plus fortes représentations culturelles du pays ibérique. Les instruments à cordes sont aussi les plus prisés.

Le Choro a surgi plus tard vers la fin du XIXe siècle. À l’origine cette musique était improvisée par des petits orchestres composés d’une part d’instruments à cordes ou à vents : guitare (à six et à sept cordes), bandolim (mandoline brésilienne), cavaquinho (petite guitare à quatre cordes), la flûte, la clarinette, la trompette, l’ophicléide … d’autre part d’instruments de percussion : comme le pandeiro, et le surdo. Il s’agit d’abord d’une manière différente de jouer la Polka. C’est, contrairement au Fado et à la Modinha, un genre presque toujours instrumental. Appelé à ses débuts Polka-lundu, Maxixe, Tango brésilien, ce genre se fixe au début du XXe siècle pour durer. Encore de nos jours un festival a lieu à Rio de Janeiro pour fêter régulièrement des dizaines de nouveaux titres et des formations variées y participent avec des effectifs instrumentaux diversifiés.